Nadia Vadori-Gauthier : la danse en résistance29 juin 2020
Auteur : Marie-Valentine ChaudonSupport : La Croix
Depuis 2015, Nadia Vadori-Gauthier publie chaque jour sur Internet la vidéo de soixante secondes de danse. Le 5 juillet, elle invite 2 000 internautes à se connecter à 11 h 11 pour partager sa 2 000e « minute de danse ».
Janvier 2015. Dans une France endeuillée par les attentats, Nadia Vadori-Gauthier décide de sortir dans la rue et de danser. Danser une minute chaque jour, quel que soit le lieu où elle se trouve, pour imposer sa « présence sensible » au monde, en réponse à la barbarie.
Depuis le 14 janvier 2015, l’artiste n’a pas manqué un seul rendez-vous et a posté quotidiennement sur Internet une minute de danse. Seule, avec des invités ou au milieu d’une manifestation, en silence ou en musique, dans les lieux les plus variés – du Palais des glaces de la Foire du Trône aux monts du Cantal, en passant par les métros, RER, hôpitaux et musées -, de jour comme de nuit, sous la pluie ou au soleil, Nadia Vadori-Gauthier improvise avec un mouvement simple et profond, universel et accessible.
Un projet, de l’ordre de la performance, qu’elle revendique comme une action poétique. « Deux phrases me guident, explique-t-elle. Le proverbe chinois qui dit «goutte à goutte, l’eau finit par traverser la pierre» et la citation de Nietzsche «Et l’on estime perdue toute journée où l’on n’aura pas dansé au moins une fois». Depuis cinq ans et demi, ma minute de danse marque chaque jour d’une pierre blanche. »
Un besoin de partage
Pendant le confinement, la performeuse a continué à publier ses vidéos, une minute par jour, sans déroger à la règle qu’elle s’est fixée – en plan fixe et sans montage – depuis sa maison de Gentilly, en banlieue parisienne : de la salle de bains au jardin jusqu’aux limites imposées par le kilomètre réglementaire dans les rues de son quartier. Au cours de cette période, elle appelle aussi les anonymes à lui envoyer leurs propres images.
Elle découvre alors dans la population un incroyable désir de danse. « La réponse a été immédiate, je passais jusqu’à 6 heures par jour à archiver des dizaines de vidéos, raconte-t-elle. Je pense que ces images constituent une mémoire exceptionnelle de la situation inédite que nous venons de vivre, toutes ces danses expriment les états d’âme, les humeurs qui ont traversé des personnes très diverses – des soignants, des ouvriers, des fans de Christophe en hommage au chanteur disparu – et surtout, un besoin de partage, de relation… »
2 000 participants pour la 2 000e
Nadia s’apprête aujourd’hui à célébrer sa 2 000e minute de danse. « Je ne me voyais pas la faire toute seule, confie-t-elle. Comme les grands rassemblements ne sont plus possibles, j’invite les volontaires à me rejoindre via l’application Zoom, pour danser ensemble pendant une minute. Mon rêve : réunir 2 000 personnes pour ma 2 000e ! » Et remplir, virtuellement, la grande salle du théâtre national de Chaillot où elle se tiendra, seule, avec, en arrière plan les 1 800 fauteuils vides.
Après cet événement, Nadia continuera à poster sur son site sa minute quotidienne de danse. « C’est un véritable engagement , assure-t-elle. Réaliser la vidéo d’une minute de danse chaque jour demande techniquement beaucoup plus d’une minute mais je le fais au jour le jour. » L’artiste ne sait pas encore combien de temps elle poursuivra cette épopée singulière. Une chose est sûre : le monde, dans sa marche, aura toujours besoin de danse.
2 000e minute de danse le dimanche 5 juillet à 11 h 11. Inscriptions ouvertes dès maintenant sur www.uneminutededanseparjour.com