Donnée la première fois le 14 janvier 2015 Une minute de danse par jour est devenue un rendez-vous quotidien, décliné en livre et en film. Initié par Nadia Vadori-Gauthier ce projet va connaître sa 2000e danse le dimanche 5 juillet en direct de Chaillot. Rencontre.
Aviez-vous dans l’idée d’aller si loin en créant cette Minute de danse par jour ?
Au départ il s’agissait d’une réaction de résistance par la sensibilité, par la danse à des circonstances dramatiques (les attentats de novembre 2014 à Paris ndlr). Au lieu de rester dans son terrier, alors qu’il y avait une méfiance dans la rue, je proposais d’y aller et de créer un lien dans l’espace public. J’étais face à une impuissance, à un choc. Que pouvais-je faire à mon échelle ? J’ai repensé à ce proverbe chinois : « Goute à goute l’eau finit par traverser la pierre ». Quelle goutte je pouvais être alors ? Je ne pensais pas que cela allait durer. J’en revenais toujours à l’éphémère de cette goutte justement. Aujourd’hui j’en arrive à cinq années de danse à raison d’une minute par jour. Comme si j’avais archivé cinq années de la vie à travers le mouvement. Je finissais ces années à travailler ma thèse, j’avais passé beaucoup de temps avec des livres, des écrits, des philosophes. Il y a un fondement éthique à ma démarche. Et au-delà je me demande comment être dans le monde, comment le changer pour quelques secondes.
Paradoxalement la crise sanitaire liée au Covid est venue bouleverser votre projet
Deux jours avant le confinement j’ai lancé un appel à danser confiné. On nous demandait de rester chez nous alors je me suis mise à danser entre mes murs. Il m’était arrivée de danser chez moi auparavant mas si je faisais ma minute à domicile c’était par défaut. J’ai, à partir de mi-mars, dansé chez moi de façon instinctive. Surtout j’ai ouvert mon projet à tous via une page Facebook –puis plus tard via Instagram. Dès le deuxième jour les propositions ont afflué. Des danseurs professionnels, des amateurs, des danses dans le salon ou dans le jardin, en famille ! Comme un portrait sociologique de cette période via la danse. On doit en être à 5000 danses postées ! En bonne chercheuse, avec mon compagnon, j’ai choisi de tout archiver. Si quelqu’un un jour doit écrire sur ce moment, que ce soit moi ou un autre, tout est disponible. Certains mettaient en ligne une seule danse, d’autres chaque jour…
Vous allez célébrer la 2000e minute ce dimanche 5 juillet. En quoi est-elle différente ?
Elle sera presque l’antithèse de la millième. J’avais pour cette dernière créé un solo. Là c’est le contraire nous devrions être 2000 participants via Zoom. L’équipe de Chaillot a accepté de nous accompagner. La technique sera au service de ce rendez-vous avec une dizaine de personnes pour mettre en lien. Je vais danser seule sur le grand devant une salle vide, celle du nom de Jean Vilar, et les fauteuils, d’une certaine façon, seront remplacés par les participants derrière leur écran.
Avez-vous envisagé la suite, qui sait la 2001e minute de danse ?
Les gens se sont emparés d’Une minute de danse par jour. Ils se sont même, pour certains, appropriés les codes techniques qui sont les miens. Ce projet c’était, et cela reste, une danse en relation avec le monde, avec des corps réels. Il y a l’idée de retrouver la dimension poétique de l’existence en si peu de temps. Je me dis tous les jours que je dois arrêter. Mais je ne sais pas si je peux vivre sans. Je danse parfois 8 heures en une journée, mais je ne « produis » pas toujours une minute de danse par jour. J’espère passer le relais. Je pense au laboratoire de recherche et de performance Le Corps collectif avec lequel je travaille. Ce serait magnifique. Pour quelque temps encore je suis au service de cette Minute de danse par jour.
Propos recueillis par Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
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