Danse 3000, Carnet de bal avant la dernière danse, rencontre avec Nadia Vadori-Gauthier26 mars 2023
Auteur : Nathalie YokelSupport : La Terrasse
CHAILLOT – THÉÂTRE NATIONAL DE LA DANSE
CHORÉGRAPHIE NADIA VADORI-GAUTHIER
Publié le 26 mars 2023
À l’occasion de la 3000e danse de la Minute de Danse par Jour, Nadia Vadori-Gauthier fait événement à Chaillot, pour une soirée unique qui ouvre le projet à d’autres perspectives…
Comment fait-on pour remettre 3000 fois l’ouvrage sur le métier ?
Nadia Vadori-Gauthier : Je le fais animée par une conviction qui prend racine dans mon cœur, dans le fait d’être en vie sur cette terre. Mais ce n’est pas du tout personnel, ni intime, même si ça me traverse complètement. Quand j’ai commencé en 2015, je venais de soutenir ma thèse de doctorat en art, qui était vraiment axée sur tous ces plans trans-individuels, collectifs. Un collectif pas uniquement humain, mais qui conjugue aussi nos corps à d’autres strates vibratoires, végétales, animales… À travers mon corps, je témoigne du lien qui nous connecte au lieu, à l’époque. J’ai développé une méthode que j’appelle corps sismographe, qui consiste à partir de la météo interne et externe en même temps, à s’ancrer sur le territoire, et à prendre appui sur ces éléments-là pour être dansé à partir de ces forces. Ce sont des outils pour tracer son chemin par la danse, mais aussi des outils de connexion à l’instant.
« À TRAVERS MON CORPS, JE TÉMOIGNE DU LIEN QUI NOUS CONNECTE AU LIEU, À L’ÉPOQUE. »
Le titre Carnet de bal avant la dernière danse sous-entend-il la fin du projet ?
N.V.-G. : Ma dernière danse à moi aura lieu le 2 avril, le lendemain de la soirée à Chaillot, car je veux la faire dans un endroit banal, comme la première danse. Et après je vais passer le relais, à travers un calendrier d’invitations faites à d’autres chorégraphes jusqu’en janvier 2025, date à laquelle je mettrai un terme à l’œuvre quotidienne qu’est la Minute de danse par jour. Ce sera la fin de 10 ans de danse chaque jour depuis l’attentat de Charlie Hebdo, dans une forme de résistance poétique, et le début d’autres projets avec ma compagnie.
D’ici là, considérez-vous être à un tournant ou dans une continuité ?
N.V.-G. : Depuis 2015, j’ai l’impression qu’on est passés d’état d’urgence en état d’urgence, qu’on a complètement basculé de monde, que ça continue en vitesse accélérée. Je vais poster d’autres danses, d’autres corps et ça me réjouit de me dire qu’on va voir d’autres personnes danser. Benoit Lachambre au Mexique, Kaori Ito au Japon, Ambra Senatore… Le tournant consiste à s’ouvrir à leurs danses, à leurs protocoles, sur des durées qui peuvent aller de plusieurs jours à un mois. Mais je vais continuer à faire le travail de mise en ligne, de technique, qui me mobilise quatre heures chaque jour depuis 9 ans. Animée par Joanne Clavel qui connaît bien la dimension écosophique et transversale du projet, la table ronde à Chaillot invite des chorégraphes qui prennent le relai à partager leurs idées avec le public.