Nadia Vadori-Gauthier, la danse en partage24 mars 2023
Auteur : Olivier Frégaville-Gratian d’AmoreSupport : L'œil d'Olivier
Depuis plus de huit ans, Nadia Vadori-Gauthier danse une minute par jour, un geste simple, poétique et généreux, qu’elle diffuse via la toile. Pour célébrer cet anniversaire, elle propose à Chaillot, pour une date unique, le 25 mars 2023, une performance construite à partir des mémoires croisées du public et des trois mille minutes de danse qu’elle offre quotidiennement à chacun d’entre nous comme une promesse d’un avenir meilleur.
Comment est né une minute de danse par jour ?
Nadia Vadori-Gauthier : C’était en janvier 2015, au lendemain de l’attaque terroriste à Charlie Hebdo.
C’était alors un geste infinitésimal et spontané à la violence. Je suis chorégraphe, la danse est mon langage. Pour ne pas céder à la stupeur, il me fallait sortir danser dans la ville pour amener le corps, le sensible, l’art, dans l’espace public. J’avais en tête ce proverbe chinois : « Goutte-à-goutte l’eau finit par transpercer la pierre. »
Depuis 2015, vous avez tenu à continuer ce geste chorégraphique. Pourquoi ?
Nadia Vadori-Gauthier : J’avais aussi en tête la phrase de Nietzsche : « Et que l’on estime perdue toute journée où l’on n’aura pas dansé au moins une fois. » J’ai continué à danser, comme une adresse à cette époque que nous traversons ensemble, pour que chaque jour vaille, que chaque jour, un cristal de temps soit arraché à l’oubli.
La violence n’a pas cessé. D’état d’urgence en état d’urgence, tout s’est si radicalement transformé. J’ai documenté à ma façon chaque journée de ces métamorphoses.
Je n’avais pas anticipé que je faisais une œuvre temporelle, mémorielle, que je constituais une archive. Je pensais faire un geste éphémère, intempestif, infinitésimal. Cela fait aujourd’hui plus de huit années.
Vous avez décidé de passer la main à d’autres artistes. C’est important pour vous de transmettre, de partager ce moment ?
Nadia Vadori-Gauthier : Oui, je ne pouvais pas arrêter d’un coup, je voulais ouvrir le projet à d’autres regards, d’autres danses, continuer de partager en honorant tout le travail qui a été fait. Cette œuvre est née de la relation à un contexte, à une époque, d’une adresse à mes contemporains. Elle a continué de se constituer chaque jour depuis la relation, au monde, aux gens, au jour, aux environnements. Je mettrai alors un point final à cette œuvre. Cela a constitué une archive, historique à mon sens, de plusieurs milliers de danses. Avec cette nouvelle étape de transformation, il s’agit toujours de collectif, de relation.
J’ai constitué un carnet de bal d’invitations qui alterne des chorégraphes confirmés et émergents. Je ne serai plus à l’image, mais reste chorégraphe du dispositif : je continuerai à poster une minute de danse par jour, sur tous les supports dédiés, jusqu’en janvier 2025. Je mettrai alors un point final à cette œuvre. Chaque jour sans exception aura été dansé. Cela fera 10 ans depuis Charlie Hebdo et nous aurons changé de monde.
Vous proposez dans ce cadre une performance à Chaillot. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Nadia Vadori-Gauthier : Mémoires partagées des 3 000 derniers jours est un solo interactif à partir de dates de ces huit dernières années, données en amont ou en direct par le public. Il s’agit encore ici de relation, de petites ou de grandes choses de la vie, de partage de ce que nous ne disons pas d’habitude. Peut-être que ce qui nous lie le plus est ce que nous ne disons pas.
Quels sont vos autres projets ?
Nadia Vadori-Gauthier : Avec ma compagnie, le Prix de l’essence, j’ai des projets de créations chorégraphiques en cours, dont Il nous faudra beaucoup d’amour, pièce de danse pour trois interprètes au musée (création 2023). J’ai également élaboré une méthode chorégraphique nommée Corps sismographe®, pour laquelle nous avons mis en place une formation professionnelle certifiante, qui en est à sa première édition. Je suis accompagnée d’une équipe pédagogique de quatre danseurs et danseuses. Le carnet de bal de la Minute de danse va continuer de me prendre plusieurs heures par jour jusqu’en janvier 2025.
Que peut-on vous souhaiter ?
Nadia Vadori-Gauthier : Du courage, de la chance, des amis, des partenaires, de l’enthousiasme et de belles surprises inimaginables.
Des danses chaque jour comme des cadeaux.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Mémoires partagées des 3 000 derniers jours de Nadia Vadori-Gauthier
Salle Firmi Gémier
Chaillot – Théâtre national de la Danse
1 place du Trocadéro
75116 Paris
Le 25 mars 2023 à 19h30
Durée 1h25
Chorégraphie Nadia Vadori-Gauthier
Avec Nadia Vadori-Gauthier accompagnée de Jean Hostache (dans le rôle de La Mémoire), DjREÏNE et Theo Lawrence